N°1 / Varia

Les veilleurs traqueur, pivot et intégré impliqués dans un processus de veille

Elsa Drevon, Dominique Maurel, Dufour Christine

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<h2>Introduction</h2> <p><a name="_Hlk118652494"></a> <q>La veille est un processus qui fait appel &agrave; plusieurs types de comp&eacute;tences et d&rsquo;interventions, avec &agrave; la base la gestion de l&rsquo;information, l&rsquo;analyse et l&rsquo;action</q> (Bergeron, 2000, p. 257). Qui est responsable de la collecte de l&rsquo;information ? La t&acirc;che d&rsquo;analyse se partage-t-elle entre plusieurs types de veilleurs ou est-elle r&eacute;alis&eacute;e par un seul d&rsquo;entre eux ? Un veilleur devrait-il aussi animer le projet de veille ou s&rsquo;agit-il d&rsquo;un r&ocirc;le distinct ? Vingt ans plus tard, le d&eacute;coupage des r&ocirc;les des acteurs de la veille, dont ceux des veilleurs, ne fait toujours pas consensus.</p> <p>Cet article vise &agrave; identifier qui sont les acteurs impliqu&eacute;s dans un processus de veille et quelles sont leurs actions, en vue de d&eacute;finir plus pr&eacute;cis&eacute;ment les r&ocirc;les des &laquo;&nbsp;veilleurs&nbsp;&raquo;. Il pr&eacute;sente des r&eacute;sultats issus d&rsquo;une th&egrave;se en sciences de l&rsquo;information dont le but &eacute;tait d&rsquo;explorer et de d&eacute;crire, au travers d&rsquo;une &eacute;tude de cas multiples, ce qu&rsquo;est la veille strat&eacute;gique dans le secteur public de la sant&eacute; au Qu&eacute;bec.</p> <p>Les acteurs de la veille d&eacute;crits dans la litt&eacute;rature sont pr&eacute;sent&eacute;s dans premi&egrave;re section, qui propose &eacute;galement un mod&egrave;le th&eacute;orique du processus de veille o&ugrave; chaque &eacute;tape est d&eacute;taill&eacute;e selon les interactions des acteurs impliqu&eacute;s. La m&eacute;thodologie de l&rsquo;&eacute;tude de cas multiples autour de trois projets de veille est suivie de r&eacute;sultats qui permettent d&rsquo;apporter un certain &eacute;clairage sur la question des acteurs et des processus. Enfin, sont discut&eacute;s les types de veilleurs identifi&eacute;s dans les r&eacute;sultats au regard de la litt&eacute;rature, ainsi que leur r&ocirc;le dans le processus de veille.</p> <h2 class="r2ie---titre-2-western" lang="fr-FR">Les acteurs du processus de veille</h2> <p><a name="_Hlk68525393"></a> Un projet de veille implique n&eacute;cessairement la participation active de diff&eacute;rents types d&rsquo;acteurs. Chacun dans son r&ocirc;le contribue au &laquo;&nbsp;passage de l&rsquo;information &agrave; l&rsquo;action&nbsp;&raquo;&nbsp;(Afolabi,&nbsp;2007,&nbsp;p.&nbsp;66).</p> <h3>Des acteurs de la veille&hellip;</h3> <p>Les travaux de plusieurs auteurs ont permis de cat&eacute;goriser les acteurs de la veille dans le but de d&eacute;terminer leurs comp&eacute;tences&nbsp;(Fleisher,&nbsp;2004), de d&eacute;crire leur pratique (Bergeron et Hiller,&nbsp;2002; Knauf, 2007), ou encore de comprendre leur comportement informationnel (Guechtouli, 2013) (Tableau 1).</p> <p><a name="_Ref525215284"></a><a name="_Toc8633469"></a><a name="_Toc55911390"></a><a name="_Hlk514234133"></a> Tableau 1. Typologie des acteurs de la veille selon la terminologie des auteurs</p> <p style="text-align: center;"><img height="299" src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212160201-1.png" width="605" /></p> <h4 class="western"><span style="line-height:100%"><font color="#000000"><font face="Arial, serif"><font style="font-size:12pt"><font size="3">Veilleur</font></font></font></font></span></h4> <p>Selon Fleisher (2004), le &laquo;&nbsp;chercheur&nbsp;&raquo; utilise les donn&eacute;es primaires et secondaires pour r&eacute;pondre aux besoins informationnels du d&eacute;cideur&nbsp;; l&rsquo;&laquo;&nbsp;analyste&nbsp;&raquo; g&eacute;n&egrave;re de la connaissance d&rsquo;action pour le d&eacute;cideur &agrave; partir de l&rsquo;information collect&eacute;e par le chercheur. Nous retrouvons cette distinction chez Bergeron et Hiller (2002) qui divisent les &laquo;&nbsp;sp&eacute;cialistes de la veille strat&eacute;gique&nbsp;&raquo; en deux sous-cat&eacute;gories d&eacute;tenant une expertise sp&eacute;cifique&nbsp;: (a) les gestionnaires de l&rsquo;information rep&egrave;rent l&rsquo;information, la traitent, la conservent, l&rsquo;indexent et la cat&eacute;gorisent&nbsp;; (b) les analystes&nbsp;(&eacute;conomistes, ing&eacute;nieurs ou analystes financiers) synth&eacute;tisent, cr&eacute;ent des hypoth&egrave;ses et construisent des sc&eacute;narios. L&rsquo;analyste est, encore une fois, distinct du chercheur. Elles mentionnent qu&rsquo;en pratique, le d&eacute;coupage n&rsquo;est pas aussi tranch&eacute; et que, d&eacute;pendamment des mandats et des comp&eacute;tences, les diff&eacute;rents acteurs peuvent &ecirc;tre impliqu&eacute;s &agrave; chaque &eacute;tape du processus de veille strat&eacute;gique. Par exemple, un expert qui d&eacute;tient des comp&eacute;tences significatives dans un certain domaine peut agir comme gestionnaire de l&rsquo;information et analyste. De m&ecirc;me, Knauf (2007) distingue le veilleur qui exerce &laquo;&nbsp;une activit&eacute; de recherche, de traduction, de m&eacute;morisation et de diffusion de l&rsquo;information &eacute;crite ou orale&nbsp;&raquo; (p. 187) de l&rsquo;analyste qui valide, interpr&egrave;te et analyse l&rsquo;information. Compl&eacute;mentaire au veilleur, l&rsquo;analyste joue un r&ocirc;le de traitement, recoupement et validation de l&rsquo;information et de clarification. Selon Knauf, le coordinateur-animateur prend en charge une certaine partie de l&#39;analyse. Pour Guechtouli (2013), les &laquo;&nbsp;veilleurs traqueurs&nbsp;&raquo; sont des acteurs qui, &agrave; la fois, collectent, analysent et diffusent l&rsquo;information&nbsp;: (a) les &laquo;&nbsp;veilleurs m&eacute;tier&nbsp;&raquo; dont la veille correspond &agrave; l&rsquo;ensemble de leurs t&acirc;ches professionnelles&nbsp;; (b) les&nbsp;&laquo;&nbsp;traqueurs de terrain&nbsp;&raquo; dont l&rsquo;activit&eacute; de veille est annexe &agrave; leur m&eacute;tier.</p> <h4>Client</h4> <p>Tous les auteurs recens&eacute;s parlent de &laquo;&nbsp;d&eacute;cideur&nbsp;&raquo; pour nommer le client d&rsquo;une veille. Chez Fleisher&nbsp;(2004), les&nbsp;d&eacute;cideurs ont besoin des connaissances pour prendre des d&eacute;cisions. Pour Bergeron et Hiller (2002), ils utilisent la connaissance d&rsquo;action produite par les activit&eacute;s de veille strat&eacute;gique. Pour Knauf (2007), ils utilisent le produit de veille &laquo;&nbsp;en vue d&rsquo;une prise de d&eacute;cision qui peut &ecirc;tre de plusieurs ordres comme &ecirc;tre plus comp&eacute;titif, innover, influer&nbsp;&raquo;&nbsp;(p.&nbsp;28). Selon Guechtouli (2013), ils s&rsquo;en servent pour r&eacute;soudre les probl&egrave;mes d&eacute;cisionnels.</p> <p>Si la finalit&eacute; d&rsquo;une veille est li&eacute;e &agrave; la prise de d&eacute;cision, les clients d&rsquo;une veille peuvent utiliser le produit de veille pour mettre &agrave; jour leurs connaissances, mieux comprendre leur environnement ou se comparer aux autres organisations (Anonymis&eacute;, 2020). Ainsi, les managers n&rsquo;utilisent pas la veille uniquement pour prendre des d&eacute;cisions puisque leurs r&ocirc;les ne sont pas que d&eacute;cisionnels (Mintzberg, 1973).</p> <h4>Animateur du projet de veille</h4> <p>Selon Guechtouli (2013), l&rsquo;animateur du syst&egrave;me d&rsquo;information fait partie des &laquo;&nbsp;veilleurs m&eacute;tier&nbsp;&raquo;, il coordonne, supervise et contr&ocirc;le toutes les &eacute;tapes du cycle de veille strat&eacute;gique ; il optimise le fonctionnement du syst&egrave;me de veille pour le p&eacute;renniser. Le &laquo;&nbsp;manager&nbsp;&raquo; ou &laquo; champion&nbsp;&raquo; (Fleisher, 2004) a la responsabilit&eacute; de planifier, diriger, organiser et contr&ocirc;ler les efforts de l&rsquo;organisation en mati&egrave;re de veille concurrentielle ; il a aussi la capacit&eacute; d&rsquo;influencer les d&eacute;cideurs. Knauf (2007) propose de d&eacute;finir un nouveau m&eacute;tier&nbsp;: le &laquo;&nbsp;coordinateur-animateur&nbsp;&raquo;. Ce dernier joue dix r&ocirc;les strat&eacute;giques, dont ceux de coordonner le travail des diff&eacute;rents acteurs (coordinateur), de mettre en contact les acteurs (m&eacute;diateur), mais aussi de superviser toutes les &eacute;tapes du processus et d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;interpr&eacute;ter l&rsquo;information en y insufflant une signification strat&eacute;gique et donc une valeur ajout&eacute;e, puis de la partager&nbsp;&raquo; (analyste) (Knauf, 2007, p. 277). Bergeron et Hiller (2002) ne mentionnent pas d&rsquo;animateur du projet de veille.</p> <h4>R&eacute;seau d&rsquo;intelligence humaine</h4> <p>Selon Bergeron et Hiller (2002), l&rsquo;ensemble des membres de l&rsquo;organisation forme le r&eacute;seau d&rsquo;intelligence humaine qui contribue, de mani&egrave;re informelle, aux activit&eacute;s de veille organis&eacute;es et formalis&eacute;es. Pour Fleisher (2004), &laquo;&nbsp;l&rsquo;antenne&nbsp;&raquo; est compos&eacute;e des employ&eacute;s d&rsquo;une organisation qui se tiennent &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;environnement et partagent leurs d&eacute;couvertes aux autres acteurs de la veille. Enfin, les &laquo;&nbsp;veilleurs potentiels&nbsp;&raquo; (Guechtouli, 2013) font partie de ce r&eacute;seau humain&nbsp;: ils d&eacute;tiennent &laquo;&nbsp;potentiellement des informations de veille, mais ne font pas partie du syst&egrave;me de veille de mani&egrave;re formelle&nbsp;&raquo;&nbsp;(p. 124). &Agrave; travers l&rsquo;animation de l&rsquo;intelligence collective et la capitalisation des connaissances, le &laquo;&nbsp;coordinateur-animateur&nbsp;&raquo; anime les diff&eacute;rents r&eacute;seaux d&rsquo;&eacute;change qui agissent comme sources d&rsquo;information&nbsp;(Knauf,&nbsp;2007).</p> <p>Ces quatre types d&rsquo;acteurs de la veille interagissent dans un processus consistant &agrave; r&eacute;aliser le produit de veille qui sera potentiellement utilis&eacute;.</p> <h3>&hellip; au mod&egrave;le th&eacute;orique du processus de veille</h3> <p>En croisant sciences de gestion et sciences de l&rsquo;information, le mod&egrave;le th&eacute;orique de processus de veille (Figure 1) met en &eacute;vidence les comportements informationnels du veilleur et du client. Il s&rsquo;inspire fortement de ceux de Choo (2002) et de Bouthillier et Shearer&nbsp;(2003), inclut une &eacute;tape sp&eacute;cifique du mod&egrave;le normalis&eacute; (Afnor, 1998), les boucles de r&eacute;troaction du mod&egrave;le de Dumas (2005) ainsi que des pr&eacute;cisions provenant du mod&egrave;le classique (Bulinge, 2013). Ces cinq mod&egrave;les ont &eacute;t&eacute; s&eacute;lectionn&eacute;s par choix raisonn&eacute; parmi 38 processus de veille recens&eacute;s dans la litt&eacute;rature savante, gouvernementale ou professionnelle (Anonymis&eacute;, 2020). Le processus de veille est toujours cyclique.</p> <p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212160443-2.png" style="width: 100%; height: 62%;" /></p> <p><a name="_Ref529345794"></a><a name="_Toc8633486"></a><a name="_Toc42434120"></a> Figure 1. Mod&egrave;le th&eacute;orique du processus de veille strat&eacute;gique</p> <h4>&Eacute;valuation des besoins</h4> <p>Aussi nomm&eacute;e &laquo;&nbsp;expression des besoins&nbsp;&raquo; (Bulinge, 2013), la premi&egrave;re &eacute;tape se retrouve dans la &laquo;&nbsp;d&eacute;finition des axes strat&eacute;giques&nbsp;&raquo; et &laquo; des finalit&eacute;s et&nbsp;d&eacute;termination des types d&rsquo;information&nbsp;&raquo; (Afnor, 1998). Elle consiste &agrave; pr&eacute;ciser les mots cl&eacute;s repr&eacute;sentant le p&eacute;rim&egrave;tre de la veille strat&eacute;gique et &agrave; fixer des objectifs de surveillance (Guechtouli, 2013). Elle n&eacute;cessiterait une collaboration fine entre le veilleur et/ou l&rsquo;animateur du projet de veille et le client. La r&eacute;&eacute;valuation des besoins correspond &agrave; la r&eacute;troaction finale &agrave; la fin du cycle.</p> <h4><a name="_Toc508453948"></a> Identification des sources d&rsquo;information</h4> <p><a name="_Hlk85810179"></a> Les sources d&rsquo;informations peuvent &ecirc;tre documentaires ou humaines, formelles ou informelles, gratuites ou payantes, n&eacute;anmoins toujours disponibles publiquement (Guechtouli, 2013). L&rsquo;identification des sources d&rsquo;information est int&eacute;gr&eacute;e soit &agrave; l&rsquo;expression des besoins (mod&egrave;le classique), soit &agrave; la collecte d&rsquo;information (Bouthillier et Shearer, 2003). Le mod&egrave;le de l&rsquo;Afnor&nbsp;(1998) distingue l&rsquo;&laquo;&nbsp;identification et s&eacute;lection des sources d&rsquo;informations&nbsp;&raquo; de la premi&egrave;re &eacute;tape&nbsp;et de l&rsquo;&eacute;tape suivante (collecte des informations). Une des comp&eacute;tences du veilleur &eacute;tant la connaissance des sources pertinentes, il appara&icirc;t pertinent de mettre en &eacute;vidence cette &eacute;tape. Elle peut &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;e par le veilleur et/ou l&rsquo;animateur, et plus souvent, dans une collaboration entre le veilleur et le client, ce dernier ayant sa propre connaissance des sources d&rsquo;information documentaires et humaines.</p> <h4><a name="_Toc508453949"></a> Collecte de l&rsquo;information</h4> <p>La collecte de l&rsquo;information correspond &agrave; la recherche d&rsquo;information syst&eacute;matique, &eacute;thique et l&eacute;gale (Guechtouli, 2013) qui met en &oelig;uvre des moyens technologiques (automatisation de la collecte des sources d&rsquo;information sur Internet, fouille de donn&eacute;es textuelles, etc.) et humains (r&eacute;seau humain, &eacute;changes d&rsquo;information verbale ou documentaire) (Bulinge, 2013). Si, dans la collecte de l&rsquo;information, des donn&eacute;es sont insuffisantes, des boucles de r&eacute;troaction entre le veilleur et le client permettent de revenir aux &eacute;tapes pr&eacute;c&eacute;dentes (Dumas, 2005). La collecte de l&rsquo;information, automatis&eacute;e ou pas, serait effectu&eacute;e uniquement par le veilleur et consisterait &agrave; s&eacute;lectionner l&rsquo;information susceptible de combler les besoins informationnels du client.</p> <h4><a name="_Toc508453951"></a><a name="_Toc508453950"></a> Analyse de l&rsquo;information et d&eacute;veloppement des produits de veille</h4> <p>Dans le cycle classique (Bulinge, 2013), l&rsquo;analyse correspond &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;exploitation&nbsp;de l&rsquo;information&nbsp;&raquo;&nbsp;; au c&oelig;ur du processus de veille, elle s&rsquo;av&egrave;re chronophage et difficilement automatisable. Selon Bergeron et Hiller (2002), le veilleur peut &ecirc;tre l&rsquo;analyste lui-m&ecirc;me. Pour Knauf (2007), le coordinateur-animateur peut aussi prendre en charge une partie de l&rsquo;analyse. Si des donn&eacute;es sont insuffisantes, le veilleur retourne &agrave; l&rsquo;&eacute;tape de collecte de l&rsquo;information&nbsp;(Dumas,&nbsp;2005).</p> <p>Bouthillier et Shearer (2003) pr&eacute;sentent le d&eacute;veloppement des produits de veille, qui n&eacute;cessite un travail suppl&eacute;mentaire du veilleur avant la diffusion. La transformation de l&rsquo;information dans diff&eacute;rents formats (courriel, dossier th&eacute;matique, blog, base de donn&eacute;es de r&eacute;f&eacute;rences bibliographiques, etc.), r&eacute;alis&eacute;e uniquement par le veilleur, requiert des comp&eacute;tences en communication ainsi qu&rsquo;une bonne connaissance du mode de consommation de l&rsquo;information des clients.</p> <h4>Organisation de l&rsquo;information</h4> <p>Dans le mod&egrave;le de Bouthillier et Shearer (2003), l&rsquo;organisation de l&rsquo;information se fait en parall&egrave;le de l&rsquo;analyse et d&eacute;veloppement du produit de veille, avec des allers-retours entre les &eacute;tapes. Le veilleur n&rsquo;effectuerait donc pas le cycle de mani&egrave;re s&eacute;quentielle. Pour Dumas (2005), le tri se fait au moment de l&rsquo;organisation de l&rsquo;information, soit l&rsquo;&eacute;tape de &laquo;&nbsp;stockage et traitement des donn&eacute;es&nbsp;&raquo; recueillies, afin de pouvoir les retrouver facilement au moment de leur utilisation, dans une logique de conservation. Le traitement de l&rsquo;information (indexation) fait-il donc partie de l&rsquo;analyse ou de l&rsquo;organisation de l&rsquo;information ? Dans le mod&egrave;le th&eacute;orique, nous l&rsquo;avons inclus dans l&rsquo;organisation de l&rsquo;information pour le distinguer d&rsquo;une analyse plus pouss&eacute;e.</p> <h4><a name="_Toc508453952"></a> Diffusion des produits de veille</h4> <p>Dans le mod&egrave;le classique, la diffusion de l&rsquo;information consiste &agrave; transmettre l&rsquo;information interpr&eacute;t&eacute;e aux personnes concern&eacute;es. Comme dans le mod&egrave;le de Choo (2002), la diffusion se fait sur un ou plusieurs canaux (&agrave; l&rsquo;oral, &agrave; l&rsquo;&eacute;crit), en fonction du comportement informationnel du client. En effet, une m&ecirc;me information peut &ecirc;tre diffus&eacute;e sur plusieurs canaux de diffusion et &agrave; des fr&eacute;quences vari&eacute;es afin de rejoindre des clients diff&eacute;rents (Dumas, 2005).</p> <h4><a name="_Toc508453953"></a> Utilisation des produits de veille</h4> <p>&Agrave; la fin du processus du mod&egrave;le de Choo (2002), th&eacute;oriquement, l&rsquo;utilisateur de la veille &laquo;&nbsp;adapte son comportement&nbsp;&raquo; avant que le veilleur et/ou l&rsquo;animateur du projet de veille proc&egrave;de au recueil de nouveaux besoins informationnels ou &agrave; la red&eacute;finition des pr&eacute;c&eacute;dents besoins. Le processus de veille se termine par la &laquo;&nbsp;cr&eacute;ation de sens, la production de connaissances ou la prise de d&eacute;cision&nbsp;&raquo; (Choo, 1999, p. 24, notre traduction).</p> <h2>M&eacute;thodologie</h2> <p><a name="_Hlk85810219"></a> La th&egrave;se (Anonymis&eacute;, 2020) &agrave; l&rsquo;origine de cet article adopte un positionnement constructiviste et un devis exploratoire et descriptif. Suivant une approche qualitative, nous avons employ&eacute; la m&eacute;thode de l&rsquo;&eacute;tude de cas multiples (Yin, 2014) avec trois projets de veille (cas A, cas B, cas C). Pour la collecte et l&rsquo;analyse des donn&eacute;es, nous avons suivi les principes de la th&eacute;orie ancr&eacute;e (Glaser et Strauss, 2017). La s&eacute;lection des cas s&rsquo;est faite par choix raisonn&eacute; &agrave; partir de notre connaissance des projets de veille dans le secteur public de la sant&eacute; au Qu&eacute;bec, soit ceux d&rsquo;organisations membres de la Communaut&eacute; de pratique des veilleurs en sant&eacute; et services sociaux du Qu&eacute;bec, et ce, jusqu&rsquo;&agrave; saturation des donn&eacute;es selon le principe de l&rsquo;&eacute;chantillonnage th&eacute;orique (Guillemette et Luckerhoff, 2009).</p> <p><a name="_Hlk83284072"></a> Vingt et un entretiens aupr&egrave;s de 5 veilleurs et de 16 managers (11 cadres sup&eacute;rieurs et 5 cadres interm&eacute;diaires) de deux organisations ont &eacute;t&eacute; men&eacute;s et analys&eacute;s entre juillet et d&eacute;cembre 2018. Nous avons &eacute;galement recueilli 18 documents pertinents (exemples de produits de veille, supports de pr&eacute;sentation, proc&eacute;duriers, etc.) qui nous ont servi &agrave; mettre en contexte les propos des r&eacute;pondants.</p> <p>Pour l&rsquo;analyse, nous avons proc&eacute;d&eacute;, en alternance avec la collecte de donn&eacute;es, &agrave; un codage ouvert, axial et s&eacute;lectif, jusqu&rsquo;&agrave; saturation th&eacute;orique. Notre &eacute;chantillon a &eacute;t&eacute; ajust&eacute; &agrave; la population cibl&eacute;e et disponible, suivant le principe de sensibilit&eacute; th&eacute;orique. Enfin, notons que des utilisateurs ont &eacute;t&eacute; interrog&eacute;s sur plus d&rsquo;un cas, rendant parfois difficile d&rsquo;associer des propos au bon cas; ceci n&rsquo;a toutefois pas eu d&rsquo;impact sur les donn&eacute;es portant sur les acteurs et les processus de veille.</p> <h2>R&eacute;sultats&nbsp;: Acteurs de trois projets de veille dans trois processus de veille</h2> <h3>Profil des projets de veille &eacute;tudi&eacute;s</h3> <p>Trois cas ont &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;s&nbsp;: une veille scientifique, une veille m&eacute;diatique et r&eacute;putation dans les m&eacute;dias traditionnels, et une veille r&eacute;putation dans les m&eacute;dias sociaux (Tableau 2).</p> <p>Tableau 2. Profil des trois projets de veille &eacute;tudi&eacute;s (cas) et des r&eacute;pondants associ&eacute;s &agrave; chaque cas</p> <p style="text-align: center;"><img height="483" src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212163908-3.png" width="605" /></p> <p>Deux types d&rsquo;acteurs ont &eacute;t&eacute; identifi&eacute;s&nbsp;: les clients managers, parmi lesquels nous avons rencontr&eacute; des cadres interm&eacute;diaires et sup&eacute;rieurs, et les veilleurs qui regroupent des veilleurs traqueurs et un veilleur pivot. Sous l&rsquo;impulsion des biblioth&egrave;ques sp&eacute;cialis&eacute;es des organisations publiques de sant&eacute; I et II, les trois projets de veille sont n&eacute;s pour r&eacute;pondre &agrave; des besoins strat&eacute;giques de managers de la direction g&eacute;n&eacute;rale (cas A, B et C), de la direction de la performance (cas A) et de la direction des communications (cas B et C). Dans deux des trois cas, un autre acteur agit &agrave; titre d&rsquo;interm&eacute;diaire entre les managers et les veilleurs traqueurs, que nous appellerons veilleur pivot pour le distinguer du r&ocirc;le d&rsquo;animateur du projet de veille pr&eacute;sent&eacute; plus haut dans cet article. Inexistant dans le cas A, ce r&ocirc;le li&eacute; au contexte de l&rsquo;organisation II sera discut&eacute; ult&eacute;rieurement.</p> <h3>Veilleurs traqueurs, veilleur pivot, clients managers</h3> <p>Dans le cas A (veille scientifique), le veilleur traqueur travaille &agrave; la biblioth&egrave;que de l&rsquo;organisation I. Il poss&egrave;de plusieurs ann&eacute;es d&rsquo;exp&eacute;rience dans le secteur public de la sant&eacute; au Qu&eacute;bec. Il r&eacute;alise le produit de veille &agrave; raison d&rsquo;environ une journ&eacute;e de travail aux deux mois. Ce produit de veille est diffus&eacute; publiquement. N&eacute;anmoins, le veilleur traqueur consid&egrave;re que ses clients sont avant tout des managers de l&rsquo;organisation I, en particulier de la direction g&eacute;n&eacute;rale et de la direction de la performance. C&rsquo;est, en effet, aupr&egrave;s de ces directions qu&rsquo;est n&eacute; le projet de veille scientifique. Les huit clients interview&eacute;s sont tous des managers de l&rsquo;organisation&nbsp;I&nbsp;;&nbsp;ils rel&egrave;vent de la direction g&eacute;n&eacute;rale de l&rsquo;organisation, de la direction de la performance ou de la direction g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;un service.</p> <p>Le cas B (veille m&eacute;diatique et r&eacute;putation) fait intervenir deux types d&rsquo;acteurs. Premi&egrave;rement, les veilleurs sont membres de l&rsquo;organisation II et se subdivisent en deux sous-groupes&nbsp;: (1) les veilleurs traqueurs et (2) le veilleur pivot. Le produit de veille est d&eacute;velopp&eacute; par les veilleurs traqueurs, sur une base volontaire pour &laquo;&nbsp;garder la motivation de l&rsquo;&eacute;quipe&nbsp;&raquo; et selon un calendrier de rotation. Au cours de l&rsquo;entrevue avec le veilleur pivot, nous avons compris que ce professionnel, qui rel&egrave;ve d&rsquo;une autre unit&eacute; administrative que la biblioth&egrave;que, est un acteur distinct des&nbsp;veilleurs traqueurs&nbsp;: il ajuste le produit de veille en fonction de sa compr&eacute;hension des besoins des clients, valide le contenu et g&egrave;re la diffusion du produit de veille &agrave; l&rsquo;ensemble des clients managers. En cela, il agit comme interm&eacute;diaire entre les veilleurs traqueurs et les clients managers. Proche du r&ocirc;le d&rsquo;animateur du projet de veille, le veilleur pivot ne r&eacute;alise ni la collecte, ni le traitement de l&rsquo;information. Deuxi&egrave;mement, les clients de la veille sont des cadres interm&eacute;diaires et sup&eacute;rieurs des organisations I et II. Les principaux clients sont des cadres sup&eacute;rieurs de la direction g&eacute;n&eacute;rale et de la direction des communications. Quatre des cinq cadres sup&eacute;rieurs rencontr&eacute;s exercent leur fonction dans ces deux unit&eacute;s administratives. Ils disent utiliser le produit de veille directement dans leur travail et le lisent tous les jours.</p> <p>Les acteurs du cas C (veille r&eacute;putation sur les m&eacute;dias sociaux) sont des veilleurs traqueurs, un veilleur pivot (m&ecirc;me acteur que dans le cas&nbsp;B) et des managers de l&rsquo;organisation II. Les veilleurs traqueurs sont des biblioth&eacute;caires qui r&eacute;alisent le produit de veille selon un calendrier de rotation. Le veilleur pivot valide et diffuse le produit de veille &agrave; une diversit&eacute; de clients. Selon les veilleurs traqueurs et le veilleur pivot, les clients directs sont des managers de la direction des communications et de la direction g&eacute;n&eacute;rale de l&rsquo;organisation&nbsp;II.</p> <h3>Processus de veille des trois cas &agrave; l&rsquo;&eacute;tude</h3> <p>Les trois cas &eacute;tudi&eacute;s mettent en &oelig;uvre trois processus aux &eacute;tapes tant&ocirc;t semblables, tant&ocirc;t distinctes, avec des interactions variables entre les acteurs, en partie li&eacute;es &agrave; la pr&eacute;sence ou &agrave; l&rsquo;absence du veilleur pivot.</p> <h4>&Eacute;valuation ou &eacute;valuation / r&eacute;&eacute;valuation des besoins</h4> <p>Les clients managers &eacute;noncent leurs besoins informationnels au veilleur traqueur dans le cas A, et au veilleur pivot dans les cas B et C. La r&eacute;troaction est tr&egrave;s fr&eacute;quente dans la veille m&eacute;diatique, du fait d&rsquo;ajustements hebdomadaires, voire quotidiens, entre les acteurs. Elle est peu fr&eacute;quente dans le cas C. La premi&egrave;re &eacute;tape se nomme &laquo;&nbsp;&eacute;valuation des besoins&nbsp;&raquo; dans le processus de veille du cas A et &laquo;&nbsp;&eacute;valuation / r&eacute;&eacute;valuation des besoins&nbsp;&raquo; dans les cas B et C.</p> <p>Dans le cas A (Figure 2), l&rsquo;&eacute;valuation des besoins informationnels a eu lieu au d&eacute;marrage du projet. La r&eacute;troaction entre le veilleur traqueur et les clients s&rsquo;av&egrave;re tr&egrave;s rare. Dans le cas B (Figure 3), le veilleur pivot joue un r&ocirc;le d&rsquo;interm&eacute;diaire entre les clients qui expriment leurs besoins informationnels et les veilleurs traqueurs qui d&eacute;veloppent le produit de veille. D&egrave;s la premi&egrave;re &eacute;tape d&rsquo;&eacute;valuation des besoins, les trois processus de veille se diff&eacute;rencient donc.</p> <p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212164048-4.png" style="width: 100%; height: 51%;" /></p> <p><a name="_Ref8645074"></a><a name="_Toc10711588"></a><a name="_Toc42434124"></a> Figure 2. Processus de veille du cas A (veille scientifique)</p> <h4>Identification des sources d&rsquo;information</h4> <p>L&rsquo;identification des sources d&rsquo;information, dans le cas A, consiste &agrave; &eacute;laborer des strat&eacute;gies de recherche &laquo;&nbsp;solides&nbsp;&raquo; dans diff&eacute;rentes bases de donn&eacute;es bibliographiques de la biblioth&egrave;que. Cette &eacute;tape peut faire l&rsquo;objet d&rsquo;ajustements ponctuels, notamment techniques. N&eacute;anmoins, il n&rsquo;y a pas de r&eacute;troaction des clients.</p> <p>Dans le cas B, la r&eacute;troaction existe entre le veilleur pivot et les veilleurs traqueurs. Par&nbsp;exemple, le veilleur pivot peut demander aux veilleurs traqueurs d&rsquo;ajouter une source d&rsquo;information &agrave; surveiller &agrave; la suite d&rsquo;une demande de la direction g&eacute;n&eacute;rale.</p> <p>Dans le cas&nbsp;C (Figure 4), nous fusionnons l&rsquo;identification des sources d&rsquo;information avec la premi&egrave;re &eacute;tape. En effet, le cas C est une veille r&eacute;putation sur les m&eacute;dias sociaux&nbsp;: ces plateformes ont &eacute;t&eacute; choisies au d&eacute;marrage du projet comme sources d&rsquo;information (LinkedIn, Facebook et Twitter). Dans le processus de veille du cas C, l&rsquo;identification des sources d&rsquo;information n&rsquo;appara&icirc;t donc pas.</p> <p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212164208-5.png" style="width: 100%; height: 56%;" /></p> <p><a name="_Ref529099915"></a><a name="_Toc10711590"></a><a name="_Toc42434126"></a> Figure 3. Processus de veille du cas B (veille m&eacute;diatique et r&eacute;putation)</p> <h4>Collecte de l&rsquo;information</h4> <p>Dans le cas A, quelques publications scientifiques ou gouvernementales doivent &ecirc;tre surveill&eacute;es manuellement&nbsp;: le veilleur traqueur se rend sur les sites web institutionnels qui ne proposent pas d&rsquo;envoi automatis&eacute; de l&rsquo;information. Pour le reste des sources d&rsquo;information, la collecte est automatis&eacute;e avec des alertes re&ccedil;ues par courriel ou avec des flux RSS.</p> <p>Dans le cas B, les veilleurs traqueurs surveillent l&rsquo;actualit&eacute; dans les m&eacute;dias traditionnels (presse, radio, t&eacute;l&eacute;vision) &agrave; partir de technologies semblables comme des agr&eacute;gateurs de flux RSS, les alertes par messagerie &eacute;lectronique ou encore un logiciel de surveillance de pages web. M&ecirc;me si l&rsquo;&eacute;tape de collecte d&rsquo;information est automatis&eacute;e en grande partie, elle requiert aussi des actions manuelles, par exemple, pour des &eacute;missions de radio ne pouvant &ecirc;tre mises sous surveillance automatique. Dans le cas C, la collecte de l&rsquo;information est enti&egrave;rement automatis&eacute;e gr&acirc;ce &agrave; un logiciel de surveillance des m&eacute;dias sociaux.</p> <p>Dans les trois cas, cette &eacute;tape est r&eacute;alis&eacute;e exclusivement par les veilleurs traqueurs qui effectuent un premier tri de l&rsquo;information pour r&eacute;pondre aux besoins des managers clients. On ne note, &agrave; cette &eacute;tape, aucune interaction entre les acteurs.</p> <h4>Traitement de l&rsquo;information (s&eacute;lection et indexation)</h4> <p>Le traitement de l&rsquo;information consiste, dans les trois cas &eacute;tudi&eacute;s, &agrave; s&eacute;lectionner plus pr&eacute;cis&eacute;ment l&rsquo;information &agrave; partir de crit&egrave;res de qualit&eacute; de l&rsquo;information (actualit&eacute; et pertinence, voire cr&eacute;dibilit&eacute;), ce que nous nommons &laquo;&nbsp;s&eacute;lection&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit ensuite de classer l&rsquo;information s&eacute;lectionn&eacute;e dans de grandes cat&eacute;gories, ce que nous appelons &laquo;&nbsp;indexation&nbsp;&raquo;.</p> <p>Dans le cas A, cette &eacute;tape implique un &laquo;&nbsp;<em>filtre biblioth&eacute;caire</em>&nbsp;&raquo;, tel que le mentionne le veilleur traqueur pour distinguer cette veille scientifique d&rsquo;une diffusion s&eacute;lective d&rsquo;information ou d&rsquo;une simple alerte automatis&eacute;e. Bien qu&rsquo;importante, cette &eacute;tape se distingue de l&rsquo;analyse. Par exemple, un cadre sup&eacute;rieur explique qu&rsquo;il serait int&eacute;ressant de classer les articles scientifiques selon la cr&eacute;dibilit&eacute;. Il pr&eacute;cise qu&rsquo;actuellement, tous les articles semblent de m&ecirc;me qualit&eacute;, mais qu&rsquo;il pr&eacute;f&eacute;rerait savoir, par exemple, &laquo;&nbsp;<em>qui a valid&eacute; l&rsquo;&eacute;tude&nbsp;?</em>&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p> <p>Dans le cas B, les veilleurs traqueurs s&eacute;lectionnent les articles de presse, &eacute;missions de radio et de t&eacute;l&eacute;vision selon les principes d&rsquo;une &laquo;<em>&nbsp;charte &eacute;ditoriale</em>&nbsp;&raquo; co-cr&eacute;&eacute;e avec le veilleur pivot au d&eacute;marrage du projet. R&eacute;&eacute;valu&eacute;e ponctuellement, la charte &eacute;ditoriale d&eacute;finit les cinq grandes cat&eacute;gories du produit de veille. Malgr&eacute; l&rsquo;existence de ce document, l&rsquo;&eacute;tape de traitement de l&rsquo;information est pr&eacute;sent&eacute;e, par les veilleurs traqueurs, comme une t&acirc;che &laquo;&nbsp;<em>subjective</em>&nbsp;&raquo; : des choix peuvent &ecirc;tre op&eacute;r&eacute;s diff&eacute;remment d&rsquo;un veilleur traqueur &agrave; l&rsquo;autre dans le classement des articles. D&rsquo;ailleurs, le veilleur pivot peut &ecirc;tre amen&eacute; &agrave; r&eacute;organiser le contenu avant la diffusion aux managers pour mettre &laquo;&nbsp;<em>&agrave; la Une</em>&nbsp;&raquo; certains articles.</p> <p>Dans le cas C, le traitement de l&rsquo;information consiste &agrave; classer dans un logiciel de gestion des donn&eacute;es bibliographiques, d&rsquo;une part, les commentaires et mentions d&rsquo;internautes &agrave; propos de l&rsquo;organisation II et, d&rsquo;autre part, les publications de l&rsquo;organisation II. Il n&rsquo;y a pas non plus, dans ce projet de veille, d&rsquo;analyse de l&rsquo;information, mais bien une manipulation technique d&rsquo;indexation. Dans les trois processus de veille &eacute;tudi&eacute;s, le traitement de l&rsquo;information est r&eacute;alis&eacute; uniquement par les veilleurs traqueurs qui rel&egrave;vent de la biblioth&egrave;que.</p> <p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212164402-6.png" style="width: 100%; height: 60%;" /></p> <p><a name="_Ref530055865"></a><a name="_Toc10711592"></a><a name="_Toc42434128"></a> Figure 4. Processus de veille du cas C (veille r&eacute;putation)</p> <h4>Diffusion du produit de veille au veilleur pivot</h4> <p>La diffusion du produit de veille au veilleur pivot n&rsquo;existe pas dans le cas A, &eacute;tant donn&eacute; l&rsquo;absence d&rsquo;un veilleur pivot. Dans les cas B et C, cette premi&egrave;re diffusion est effectu&eacute;e chaque matin par les veilleurs traqueurs, qui r&eacute;alisent alors leur derni&egrave;re &eacute;tape. Elle fait l&rsquo;objet d&rsquo;allers-retours r&eacute;guliers avec le veilleur pivot qui leur demande, si n&eacute;cessaire, des ajustements, par exemple dans la mise en page des articles et des &eacute;missions. Le veilleur pivot explique&nbsp;: <q>on [la direction des communications] a le portrait terrain, c&#39;est nous qui travaillons avec les journalistes, alors on fait une r&eacute;vision avant d&rsquo;envoyer [le produit de veille m&eacute;diatique].</q></p> <h4>Diffusion du produit de veille aux managers</h4> <p>La diffusion de l&rsquo;information aux managers constitue la derni&egrave;re &eacute;tape r&eacute;alis&eacute;e par le veilleur traqueur du cas A. Elle consiste &agrave; envoyer un courriel &agrave; une liste de diffusion (managers abonn&eacute;s au produit de veille) contenant les notices bibliographiques des articles scientifiques s&eacute;lectionn&eacute;s et index&eacute;s en grandes th&eacute;matiques. Il ajoute &eacute;galement ces notices dans un gestionnaire de r&eacute;f&eacute;rences bibliographiques. Le veilleur traqueur du cas A transmet le produit de veille directement aux managers. Dans les cas B et C, c&rsquo;est le veilleur pivot qui diffuse les produits de veille aux managers, en raison de sa proximit&eacute; avec les managers du fait de ses fonctions et de sa position dans l&rsquo;organisation.</p> <h4>Utilisation de l&rsquo;information</h4> <p>L&rsquo;utilisation de l&rsquo;information appara&icirc;t comme une &eacute;tape en soi dans les trois processus de veille. N&eacute;anmoins, comme elle se d&eacute;cline en diff&eacute;rents degr&eacute;s d&rsquo;utilisation, nous choisissons de la nommer&nbsp;&laquo;&nbsp;utilisation potentielle de l&rsquo;information&nbsp;&raquo;. Un processus de veille peut, en effet, exister m&ecirc;me si son produit n&rsquo;est pas utilis&eacute; par tous les clients.</p> <h2>Discussion&nbsp;: Sur les r&ocirc;les des veilleurs dans un processus de veille strat&eacute;gique</h2> <h3>Sur le r&ocirc;le du veilleur traqueur</h3> <p>Dans les deux organisations, les veilleurs traqueurs sont des biblioth&eacute;caires form&eacute;s en gestion de l&rsquo;information, en recherche documentaire et en indexation. Ces comp&eacute;tences en biblioth&eacute;conomie teinteraient les produits de veille tels qu&rsquo;ils &eacute;taient r&eacute;alis&eacute;s au moment de l&rsquo;&eacute;tude par les veilleurs traqueurs. Dans les trois processus de veille &eacute;tudi&eacute;s, l&rsquo;&eacute;tape d&rsquo;analyse de l&rsquo;information, telle que d&eacute;crite dans le mod&egrave;le th&eacute;orique, n&rsquo;appara&icirc;t pas. La s&eacute;lection et l&rsquo;indexation de l&rsquo;information collect&eacute;e est en revanche pr&eacute;sente dans l&rsquo;&eacute;tape de traitement de l&rsquo;information. Celle-ci pourrait s&rsquo;int&eacute;grer &agrave; l&rsquo;&eacute;tape d&rsquo;organisation de l&rsquo;information dans le mod&egrave;le th&eacute;orique qui recouvre en plus une logique de conservation que l&rsquo;on retrouve avec l&rsquo;utilisation d&rsquo;un gestionnaire de r&eacute;f&eacute;rence bibliographique dans le cas A par exemple.</p> <p>La notion d&rsquo;analyse appara&icirc;t, encore une fois, vague et difficile &agrave; d&eacute;limiter. Knauf (2007) d&eacute;finit&nbsp;: &laquo;&nbsp;analyser, c&rsquo;est mettre en parall&egrave;le, comparer, d&eacute;duire, se faire une id&eacute;e et aboutir &agrave; des conclusions&nbsp;&raquo; (p. 197). Deschamps et Moinet (2017) expliquent ce que signifie &laquo;&nbsp;analyse&nbsp;&raquo; en distinguant le traitement (formalisation, recoupement, synth&egrave;se) et l&rsquo;exploitation (appr&eacute;ciation, interpr&eacute;tation et extrapolation) de l&rsquo;information. La formalisation consiste en une indexation de l&rsquo;information. Le recoupement avec des donn&eacute;es multiples et concordantes permet de v&eacute;rifier la v&eacute;racit&eacute; et la qualit&eacute; de l&rsquo;information. La synth&egrave;se correspond &agrave; la production d&rsquo;un r&eacute;sum&eacute; ou d&rsquo;une condensation de plusieurs informations, donnant une vision homog&egrave;ne. L&rsquo;appr&eacute;ciation consiste &agrave; contextualiser l&rsquo;information par rapport au savoir acquis. L&rsquo;interpr&eacute;tation permet de cr&eacute;er des liens entre les informations obtenues produisant ainsi une compr&eacute;hension nouvelle de l&rsquo;environnement. L&rsquo;extrapolation propose des sc&eacute;narios plausibles (adapt&eacute; de Deschamps et Moinet, 2017).</p> <p>Au regard de cette typologie, les trois cas &eacute;tudi&eacute;s pr&eacute;sentent un premier niveau de traitement (formalisation), mais aucune exploitation de l&rsquo;information (appr&eacute;ciation, interpr&eacute;tation, extrapolation). Pour aller plus loin dans une veille scientifique comme le cas A, le veilleur traqueur pourrait, en plus du traitement de l&rsquo;information (indexation, cat&eacute;gorisation), recouper et classer les articles scientifiques selon la qualit&eacute; de l&rsquo;information (recoupement), ou encore produire des r&eacute;sum&eacute;s (synth&egrave;se). Dans une veille m&eacute;diatique comme le cas B, il pourrait &ecirc;tre pertinent de conduire une analyse des tendances m&eacute;diatiques &agrave; une fr&eacute;quence annuelle (appr&eacute;ciation) afin de donner plus de sens et une vision globale de l&rsquo;ensemble des documents provenant des m&eacute;dias traditionnels. Dans une veille r&eacute;putation, comme le cas B &ndash; volet r&eacute;putation et le cas C, le veilleur traqueur pourrait mesurer le poids de l&rsquo;information obtenue sur les m&eacute;dias sociaux au cours d&rsquo;un mois ou d&rsquo;une ann&eacute;e (interpr&eacute;tation). Ces formes d&rsquo;exploitation de l&rsquo;information permettraient de cr&eacute;er un sens suppl&eacute;mentaire &agrave; l&rsquo;information collect&eacute;e et trait&eacute;e. Cela dit, il est important de garder &agrave; l&rsquo;esprit que ces exemples d&rsquo;exploitation de l&rsquo;information sont tr&egrave;s chronophages. Si certains managers ont d&eacute;plor&eacute; un &laquo; <em>manque d&rsquo;interpr&eacute;tation</em> &raquo; de l&rsquo;information qui se retrouve dans les produits de veille, les veilleurs traqueurs et le veilleur pivot reconnaissaient, pour leur part, &laquo;&nbsp;<em>manquer de temps pour faire l&rsquo;analyse</em> &raquo;, et parfois m&ecirc;me manquer d&rsquo;expertise sur le contenu.</p> <h3>Sur le r&ocirc;le du veilleur pivot</h3> <p>En se positionnant entre les veilleurs traqueurs et les principaux clients, le veilleur pivot joue un r&ocirc;le d&rsquo;interm&eacute;diaire, qui appara&icirc;t &agrave; premi&egrave;re vue comme une &eacute;tape suppl&eacute;mentaire. En effet, les veilleurs traqueurs traduisent en axes de veille les besoins d&rsquo;information tels que compris par le veilleur pivot qui les a lui-m&ecirc;me traduits des managers. En examinant le cas A o&ugrave; il n&rsquo;y a pas de veilleur pivot, nous constatons que la relation entre le veilleur traqueur et les managers demeure rare. La r&eacute;troaction &eacute;tant tr&egrave;s peu fr&eacute;quente, la r&eacute;&eacute;valuation des besoins est inexistante. L&rsquo;absence du veilleur pivot ne garantit donc pas une interaction fr&eacute;quente entre les veilleurs traqueurs et les managers. En rencontrant les managers, le veilleur pivot all&egrave;ge cependant la charge de travail des veilleurs traqueurs qui ont d&rsquo;autres t&acirc;ches &agrave; r&eacute;aliser &agrave; la biblioth&egrave;que que l&rsquo;activit&eacute; de veille.</p> <p>Le veilleur pivot pr&eacute;sente des similitudes avec le coordinateur-animateur (Knauf, 2007) sur certaines t&acirc;ches comme le contr&ocirc;le et la coordination. En effet, le veilleur pivot valide le produit de veille des cas B et C (contr&ocirc;leur). Il r&eacute;ceptionne les besoins exprim&eacute;s par la direction g&eacute;n&eacute;rale et la direction des communications et diffuse le produit de veille aux managers. Il joue en cela un r&ocirc;le de liaison et de relais entre les acteurs (coordinateur). Le veilleur pivot joue un r&ocirc;le important dans les cas B et C par son lien privil&eacute;gi&eacute; avec la direction g&eacute;n&eacute;rale et la direction des communications. Il permet d&rsquo;assurer une fr&eacute;quence r&eacute;guli&egrave;re d&rsquo;interactions entre les diff&eacute;rents acteurs du processus de veille (animateur). Ainsi, le veilleur pivot &laquo;&nbsp;anime&nbsp;&raquo; le processus de veille et correspond &agrave; l&rsquo;un des r&ocirc;les de l&rsquo;animateur du projet de veille. M&ecirc;me s&rsquo;il ne r&eacute;alise pas d&rsquo;analyse de l&rsquo;information dans le processus de veille (synth&eacute;tiseur), il r&eacute;organise parfois le contenu du produit de veille en mettant en &eacute;vidence l&rsquo;information qu&rsquo;il juge la plus pertinente pour les clients managers. Enfin, il joue un r&ocirc;le proche du &laquo;&nbsp;champion&nbsp;&raquo; (Fleisher, 2004) dans la mesure o&ugrave; il contribue &agrave; planifier et contr&ocirc;ler les efforts de l&rsquo;organisation en mati&egrave;re de veille. Par les fr&eacute;quentes interactions avec eux, le veilleur pivot aurait aussi une certaine capacit&eacute; &agrave; sensibiliser les managers &agrave; l&rsquo;effort de veille m&eacute;diatique et r&eacute;putation. Pour s&rsquo;assurer que le produit de veille r&eacute;ponde aux besoins des managers, nous faisons le parall&egrave;le avec le mod&egrave;le des biblioth&eacute;caires int&eacute;gr&eacute;s pour proposer d&rsquo;int&eacute;grer le veilleur aux comit&eacute;s de direction, afin d&rsquo;&ecirc;tre au plus pr&egrave;s des besoins des managers.</p> <h3>Sur le r&ocirc;le du veilleur int&eacute;gr&eacute;&nbsp;</h3> <p>La litt&eacute;rature a mis en &eacute;vidence le r&ocirc;le des biblioth&eacute;caires int&eacute;gr&eacute;s (<em>embedded librarians</em>) dans le secteur public de la sant&eacute;. Ces biblioth&eacute;caires sont int&eacute;gr&eacute;s dans les &eacute;quipes cliniques pour effectuer des recherches documentaires en lien avec les questions cliniques formul&eacute;es par les m&eacute;decins et les professionnels de la sant&eacute;. Ils r&eacute;pondent ainsi aux besoins informationnels en temps r&eacute;el, assurant une plus grande r&eacute;activit&eacute; dans les soins et services offerts aux patients. Ce mod&egrave;le, qui tend &agrave; faire ses preuves dans les &eacute;quipes cliniques (Ma et al.,&nbsp;2018), s&rsquo;applique aussi dans diff&eacute;rents secteurs et types d&rsquo;organisations (Shumaker et Talley, 2009) : leurs t&acirc;ches consistent, par exemple, &agrave; rechercher des donn&eacute;es probantes, &agrave; les synth&eacute;tiser, &agrave; concevoir des affiches, &agrave; apporter du soutien dans la publication de r&eacute;sultats dans l&rsquo;animation de &laquo;&nbsp;Journal Clubs&nbsp;&raquo; ou d&rsquo;un &laquo;&nbsp;Knowledge Cafe&nbsp;&raquo;. Un &laquo;&nbsp;veilleur int&eacute;gr&eacute;&nbsp;&raquo; pourrait jouer un r&ocirc;le hautement strat&eacute;gique en ayant acc&egrave;s directement et en temps r&eacute;el aux questions des managers. La proximit&eacute; avec les managers donnerait l&rsquo;occasion au veilleur int&eacute;gr&eacute; de r&eacute;pondre presque en temps r&eacute;el aux clients managers. Un veilleur int&eacute;gr&eacute; aux comit&eacute;s de direction pourrait aussi conduire une analyse pouss&eacute;e de l&rsquo;information, &eacute;tape majeure pour une utilisation optimale du produit de veille par les managers.</p> <p>En plus des interactions fr&eacute;quentes entre les managers et un veilleur pivot (animateur du projet de veille), le veilleur int&eacute;gr&eacute; aurait pour r&ocirc;le d&rsquo;animer des rencontres d&rsquo;&eacute;changes, &agrave; une fr&eacute;quence r&eacute;guli&egrave;re, avec les managers pr&eacute;cis&eacute;ment sur leurs questionnements strat&eacute;giques. En effet, le r&eacute;seau d&rsquo;intelligence humaine serait sollicit&eacute; dans ces rencontres. Les sources humaines, internes ou externes, sont absentes des trois projets de veille &eacute;tudi&eacute;s. Consid&eacute;r&eacute;es comme riches aux yeux des managers rencontr&eacute;s, elles apportent pourtant des enseignements tir&eacute;s de l&rsquo;exp&eacute;rience (bonnes pratiques, essais, erreurs, le&ccedil;ons apprises) ainsi que des &eacute;l&eacute;ments de contexte. Un cadre sup&eacute;rieur de la direction de la performance parle de ces sources comme de &laquo;&nbsp;<em>litt&eacute;rature exp&eacute;rientielle</em>&nbsp;&raquo; ; un cadre sup&eacute;rieur de la direction g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;un service d&eacute;plore&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>on ne va pas chercher suffisamment le terrain</em>&nbsp;&raquo;. Mesguich&nbsp;(2021) mentionne l&rsquo;importance d&rsquo;identifier des sources qui proviennent d&rsquo;experts, des &laquo;&nbsp;remont&eacute;es d&rsquo;information terrain&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;bruits de couloir&nbsp;&raquo; (p. 117). Or, cette information provenant de &laquo;&nbsp;sources humaines&nbsp;&raquo; est difficile &agrave; collecter de mani&egrave;re syst&eacute;matique. Le veilleur int&eacute;gr&eacute; aux &eacute;quipes de management pourrait s&rsquo;appuyer davantage sur les &laquo;&nbsp;veilleurs potentiels&nbsp;&raquo; (Guechtouli, 2013) que sont les managers. Ces derniers effectuent leur &laquo;&nbsp;propre veille&nbsp;&raquo; qu&rsquo;ils conservent en m&eacute;moire et pourraient partager aux autres managers.</p> <p>En animant un atelier tourn&eacute; vers l&rsquo;intelligence collective, le veilleur donnerait l&rsquo;occasion de &laquo;&nbsp;d&eacute;velopper la comp&eacute;tence collective en entretenant une culture du partage&nbsp;&raquo; (Dupin, 2017, p. 56). Il favoriserait l&rsquo;exploitation du produit de veille strat&eacute;gique pour cr&eacute;er de la &laquo;&nbsp;connaissance d&rsquo;action&nbsp;&raquo; (Bergeron et Hiller, 2002). En animant le projet de veille autour de rencontres de communaut&eacute;s ou de r&eacute;seaux bas&eacute; sur la gestion des connaissances (Dalkir, 2017), le veilleur int&eacute;gr&eacute; pourrait faire &eacute;merger des informations utiles aux managers et faire circuler les connaissances tacites des managers au sein de l&rsquo;organisation. Traqueur de sources documentaires et humaines, m&eacute;diateur entre les acteurs du processus de veille, il cumulerait les casquettes du veilleur traqueur, du veilleur pivot et de l&rsquo;animateur du projet de veille. Par sa proximit&eacute; avec la direction g&eacute;n&eacute;rale, il aurait la capacit&eacute; d&rsquo;influencer et de favoriser une culture de veille aupr&egrave;s des clients managers.</p> <h2>Conclusion</h2> <p>Cet article a permis d&rsquo;identifier qui sont les acteurs impliqu&eacute;s dans un processus de veille, et quelles sont leurs actions. Il a pr&eacute;cis&eacute; les r&ocirc;les des &laquo;&nbsp;veilleurs&nbsp;&raquo; &agrave; travers les r&eacute;sultats d&rsquo;une th&egrave;se en sciences de l&rsquo;information. Les acteurs de la veille et un mod&egrave;le th&eacute;orique du processus de veille ont &eacute;t&eacute; d&eacute;crits et chaque &eacute;tape a &eacute;t&eacute; d&eacute;taill&eacute;e selon les interactions des veilleurs et des clients de la veille. Par le biais d&rsquo;une &eacute;tude de cas multiples, les r&eacute;sultats ont conduit &agrave; discuter des r&ocirc;les des veilleurs traqueur, pivot et int&eacute;gr&eacute;.</p> <p>Les veilleurs traqueurs ont, dans notre &eacute;tude, une forte connotation biblioth&eacute;conomique li&eacute;e &agrave; des t&acirc;ches de recherche documentaire, de s&eacute;lection bibliographique et d&rsquo;indexation, voire de conservation de l&rsquo;information. Ces t&acirc;ches, tir&eacute;es de m&eacute;thodes en sciences de l&rsquo;information et parfois tr&egrave;s techniques, sont la garantie de la fiabilit&eacute; de l&rsquo;information. Dans deux des trois cas, les veilleurs traqueurs collaborent avec le veilleur pivot de la direction des communications qui, par son positionnement dans l&rsquo;organisation et sa connaissance fine des enjeux, est en mesure de traduire les besoins des managers aux veilleurs traqueurs qui les traduisent &agrave; leur tour dans les outils de collecte de l&rsquo;information. Les veilleurs traqueurs ou le veilleur pivot gagneraient &agrave; pouvoir d&eacute;dier du temps &agrave; l&rsquo;exploitation de l&rsquo;information afin de proposer un produit de veille &agrave; valeur ajout&eacute;e. Par sa proximit&eacute; avec la direction g&eacute;n&eacute;rale, un veilleur int&eacute;gr&eacute; aux &eacute;quipes de management serait en mesure de suivre les enjeux strat&eacute;giques des managers, d&rsquo;offrir un produit de veille bas&eacute;e sur une analyse pouss&eacute;e de l&rsquo;information, de faire circuler les connaissances tacites entre les managers et de favoriser une culture de veille et d&rsquo;intelligence collective dans l&rsquo;organisation.</p> <p>Pour finir, des &eacute;tudes compl&eacute;mentaires seraient utiles afin de valider l&#39;applicabilit&eacute; de la typologie des acteurs et du mod&egrave;le th&eacute;orique du processus de veille dans d&#39;autres milieux ainsi que pour y &eacute;valuer le potentiel d&#39;un veilleur int&eacute;gr&eacute;.</p> <h2>R&eacute;f&eacute;rences</h2> <p>Afnor (Association fran&ccedil;aise de normalisation). 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