N°1 / Varia
Les veilleurs traqueur, pivot et intégré impliqués dans un processus de veille
Elsa Drevon, Dominique Maurel, Dufour ChristineRésumé
Mots-clés
<h2>Introduction</h2>
<p><a name="_Hlk118652494"></a> <q>La veille est un processus qui fait appel à plusieurs types de compétences et d’interventions, avec à la base la gestion de l’information, l’analyse et l’action</q> (Bergeron, 2000, p. 257). Qui est responsable de la collecte de l’information ? La tâche d’analyse se partage-t-elle entre plusieurs types de veilleurs ou est-elle réalisée par un seul d’entre eux ? Un veilleur devrait-il aussi animer le projet de veille ou s’agit-il d’un rôle distinct ? Vingt ans plus tard, le découpage des rôles des acteurs de la veille, dont ceux des veilleurs, ne fait toujours pas consensus.</p>
<p>Cet article vise à identifier qui sont les acteurs impliqués dans un processus de veille et quelles sont leurs actions, en vue de définir plus précisément les rôles des « veilleurs ». Il présente des résultats issus d’une thèse en sciences de l’information dont le but était d’explorer et de décrire, au travers d’une étude de cas multiples, ce qu’est la veille stratégique dans le secteur public de la santé au Québec.</p>
<p>Les acteurs de la veille décrits dans la littérature sont présentés dans première section, qui propose également un modèle théorique du processus de veille où chaque étape est détaillée selon les interactions des acteurs impliqués. La méthodologie de l’étude de cas multiples autour de trois projets de veille est suivie de résultats qui permettent d’apporter un certain éclairage sur la question des acteurs et des processus. Enfin, sont discutés les types de veilleurs identifiés dans les résultats au regard de la littérature, ainsi que leur rôle dans le processus de veille.</p>
<h2 class="r2ie---titre-2-western" lang="fr-FR">Les acteurs du processus de veille</h2>
<p><a name="_Hlk68525393"></a> Un projet de veille implique nécessairement la participation active de différents types d’acteurs. Chacun dans son rôle contribue au « passage de l’information à l’action » (Afolabi, 2007, p. 66).</p>
<h3>Des acteurs de la veille…</h3>
<p>Les travaux de plusieurs auteurs ont permis de catégoriser les acteurs de la veille dans le but de déterminer leurs compétences (Fleisher, 2004), de décrire leur pratique (Bergeron et Hiller, 2002; Knauf, 2007), ou encore de comprendre leur comportement informationnel (Guechtouli, 2013) (Tableau 1).</p>
<p><a name="_Ref525215284"></a><a name="_Toc8633469"></a><a name="_Toc55911390"></a><a name="_Hlk514234133"></a> Tableau 1. Typologie des acteurs de la veille selon la terminologie des auteurs</p>
<p style="text-align: center;"><img height="299" src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212160201-1.png" width="605" /></p>
<h4 class="western"><span style="line-height:100%"><font color="#000000"><font face="Arial, serif"><font style="font-size:12pt"><font size="3">Veilleur</font></font></font></font></span></h4>
<p>Selon Fleisher (2004), le « chercheur » utilise les données primaires et secondaires pour répondre aux besoins informationnels du décideur ; l’« analyste » génère de la connaissance d’action pour le décideur à partir de l’information collectée par le chercheur. Nous retrouvons cette distinction chez Bergeron et Hiller (2002) qui divisent les « spécialistes de la veille stratégique » en deux sous-catégories détenant une expertise spécifique : (a) les gestionnaires de l’information repèrent l’information, la traitent, la conservent, l’indexent et la catégorisent ; (b) les analystes (économistes, ingénieurs ou analystes financiers) synthétisent, créent des hypothèses et construisent des scénarios. L’analyste est, encore une fois, distinct du chercheur. Elles mentionnent qu’en pratique, le découpage n’est pas aussi tranché et que, dépendamment des mandats et des compétences, les différents acteurs peuvent être impliqués à chaque étape du processus de veille stratégique. Par exemple, un expert qui détient des compétences significatives dans un certain domaine peut agir comme gestionnaire de l’information et analyste. De même, Knauf (2007) distingue le veilleur qui exerce « une activité de recherche, de traduction, de mémorisation et de diffusion de l’information écrite ou orale » (p. 187) de l’analyste qui valide, interprète et analyse l’information. Complémentaire au veilleur, l’analyste joue un rôle de traitement, recoupement et validation de l’information et de clarification. Selon Knauf, le coordinateur-animateur prend en charge une certaine partie de l'analyse. Pour Guechtouli (2013), les « veilleurs traqueurs » sont des acteurs qui, à la fois, collectent, analysent et diffusent l’information : (a) les « veilleurs métier » dont la veille correspond à l’ensemble de leurs tâches professionnelles ; (b) les « traqueurs de terrain » dont l’activité de veille est annexe à leur métier.</p>
<h4>Client</h4>
<p>Tous les auteurs recensés parlent de « décideur » pour nommer le client d’une veille. Chez Fleisher (2004), les décideurs ont besoin des connaissances pour prendre des décisions. Pour Bergeron et Hiller (2002), ils utilisent la connaissance d’action produite par les activités de veille stratégique. Pour Knauf (2007), ils utilisent le produit de veille « en vue d’une prise de décision qui peut être de plusieurs ordres comme être plus compétitif, innover, influer » (p. 28). Selon Guechtouli (2013), ils s’en servent pour résoudre les problèmes décisionnels.</p>
<p>Si la finalité d’une veille est liée à la prise de décision, les clients d’une veille peuvent utiliser le produit de veille pour mettre à jour leurs connaissances, mieux comprendre leur environnement ou se comparer aux autres organisations (Anonymisé, 2020). Ainsi, les managers n’utilisent pas la veille uniquement pour prendre des décisions puisque leurs rôles ne sont pas que décisionnels (Mintzberg, 1973).</p>
<h4>Animateur du projet de veille</h4>
<p>Selon Guechtouli (2013), l’animateur du système d’information fait partie des « veilleurs métier », il coordonne, supervise et contrôle toutes les étapes du cycle de veille stratégique ; il optimise le fonctionnement du système de veille pour le pérenniser. Le « manager » ou « champion » (Fleisher, 2004) a la responsabilité de planifier, diriger, organiser et contrôler les efforts de l’organisation en matière de veille concurrentielle ; il a aussi la capacité d’influencer les décideurs. Knauf (2007) propose de définir un nouveau métier : le « coordinateur-animateur ». Ce dernier joue dix rôles stratégiques, dont ceux de coordonner le travail des différents acteurs (coordinateur), de mettre en contact les acteurs (médiateur), mais aussi de superviser toutes les étapes du processus et d’ « interpréter l’information en y insufflant une signification stratégique et donc une valeur ajoutée, puis de la partager » (analyste) (Knauf, 2007, p. 277). Bergeron et Hiller (2002) ne mentionnent pas d’animateur du projet de veille.</p>
<h4>Réseau d’intelligence humaine</h4>
<p>Selon Bergeron et Hiller (2002), l’ensemble des membres de l’organisation forme le réseau d’intelligence humaine qui contribue, de manière informelle, aux activités de veille organisées et formalisées. Pour Fleisher (2004), « l’antenne » est composée des employés d’une organisation qui se tiennent à l’écoute de l’environnement et partagent leurs découvertes aux autres acteurs de la veille. Enfin, les « veilleurs potentiels » (Guechtouli, 2013) font partie de ce réseau humain : ils détiennent « potentiellement des informations de veille, mais ne font pas partie du système de veille de manière formelle » (p. 124). À travers l’animation de l’intelligence collective et la capitalisation des connaissances, le « coordinateur-animateur » anime les différents réseaux d’échange qui agissent comme sources d’information (Knauf, 2007).</p>
<p>Ces quatre types d’acteurs de la veille interagissent dans un processus consistant à réaliser le produit de veille qui sera potentiellement utilisé.</p>
<h3>… au modèle théorique du processus de veille</h3>
<p>En croisant sciences de gestion et sciences de l’information, le modèle théorique de processus de veille (Figure 1) met en évidence les comportements informationnels du veilleur et du client. Il s’inspire fortement de ceux de Choo (2002) et de Bouthillier et Shearer (2003), inclut une étape spécifique du modèle normalisé (Afnor, 1998), les boucles de rétroaction du modèle de Dumas (2005) ainsi que des précisions provenant du modèle classique (Bulinge, 2013). Ces cinq modèles ont été sélectionnés par choix raisonné parmi 38 processus de veille recensés dans la littérature savante, gouvernementale ou professionnelle (Anonymisé, 2020). Le processus de veille est toujours cyclique.</p>
<p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212160443-2.png" style="width: 100%; height: 62%;" /></p>
<p><a name="_Ref529345794"></a><a name="_Toc8633486"></a><a name="_Toc42434120"></a> Figure 1. Modèle théorique du processus de veille stratégique</p>
<h4>Évaluation des besoins</h4>
<p>Aussi nommée « expression des besoins » (Bulinge, 2013), la première étape se retrouve dans la « définition des axes stratégiques » et « des finalités et détermination des types d’information » (Afnor, 1998). Elle consiste à préciser les mots clés représentant le périmètre de la veille stratégique et à fixer des objectifs de surveillance (Guechtouli, 2013). Elle nécessiterait une collaboration fine entre le veilleur et/ou l’animateur du projet de veille et le client. La réévaluation des besoins correspond à la rétroaction finale à la fin du cycle.</p>
<h4><a name="_Toc508453948"></a> Identification des sources d’information</h4>
<p><a name="_Hlk85810179"></a> Les sources d’informations peuvent être documentaires ou humaines, formelles ou informelles, gratuites ou payantes, néanmoins toujours disponibles publiquement (Guechtouli, 2013). L’identification des sources d’information est intégrée soit à l’expression des besoins (modèle classique), soit à la collecte d’information (Bouthillier et Shearer, 2003). Le modèle de l’Afnor (1998) distingue l’« identification et sélection des sources d’informations » de la première étape et de l’étape suivante (collecte des informations). Une des compétences du veilleur étant la connaissance des sources pertinentes, il apparaît pertinent de mettre en évidence cette étape. Elle peut être réalisée par le veilleur et/ou l’animateur, et plus souvent, dans une collaboration entre le veilleur et le client, ce dernier ayant sa propre connaissance des sources d’information documentaires et humaines.</p>
<h4><a name="_Toc508453949"></a> Collecte de l’information</h4>
<p>La collecte de l’information correspond à la recherche d’information systématique, éthique et légale (Guechtouli, 2013) qui met en œuvre des moyens technologiques (automatisation de la collecte des sources d’information sur Internet, fouille de données textuelles, etc.) et humains (réseau humain, échanges d’information verbale ou documentaire) (Bulinge, 2013). Si, dans la collecte de l’information, des données sont insuffisantes, des boucles de rétroaction entre le veilleur et le client permettent de revenir aux étapes précédentes (Dumas, 2005). La collecte de l’information, automatisée ou pas, serait effectuée uniquement par le veilleur et consisterait à sélectionner l’information susceptible de combler les besoins informationnels du client.</p>
<h4><a name="_Toc508453951"></a><a name="_Toc508453950"></a> Analyse de l’information et développement des produits de veille</h4>
<p>Dans le cycle classique (Bulinge, 2013), l’analyse correspond à l’« exploitation de l’information » ; au cœur du processus de veille, elle s’avère chronophage et difficilement automatisable. Selon Bergeron et Hiller (2002), le veilleur peut être l’analyste lui-même. Pour Knauf (2007), le coordinateur-animateur peut aussi prendre en charge une partie de l’analyse. Si des données sont insuffisantes, le veilleur retourne à l’étape de collecte de l’information (Dumas, 2005).</p>
<p>Bouthillier et Shearer (2003) présentent le développement des produits de veille, qui nécessite un travail supplémentaire du veilleur avant la diffusion. La transformation de l’information dans différents formats (courriel, dossier thématique, blog, base de données de références bibliographiques, etc.), réalisée uniquement par le veilleur, requiert des compétences en communication ainsi qu’une bonne connaissance du mode de consommation de l’information des clients.</p>
<h4>Organisation de l’information</h4>
<p>Dans le modèle de Bouthillier et Shearer (2003), l’organisation de l’information se fait en parallèle de l’analyse et développement du produit de veille, avec des allers-retours entre les étapes. Le veilleur n’effectuerait donc pas le cycle de manière séquentielle. Pour Dumas (2005), le tri se fait au moment de l’organisation de l’information, soit l’étape de « stockage et traitement des données » recueillies, afin de pouvoir les retrouver facilement au moment de leur utilisation, dans une logique de conservation. Le traitement de l’information (indexation) fait-il donc partie de l’analyse ou de l’organisation de l’information ? Dans le modèle théorique, nous l’avons inclus dans l’organisation de l’information pour le distinguer d’une analyse plus poussée.</p>
<h4><a name="_Toc508453952"></a> Diffusion des produits de veille</h4>
<p>Dans le modèle classique, la diffusion de l’information consiste à transmettre l’information interprétée aux personnes concernées. Comme dans le modèle de Choo (2002), la diffusion se fait sur un ou plusieurs canaux (à l’oral, à l’écrit), en fonction du comportement informationnel du client. En effet, une même information peut être diffusée sur plusieurs canaux de diffusion et à des fréquences variées afin de rejoindre des clients différents (Dumas, 2005).</p>
<h4><a name="_Toc508453953"></a> Utilisation des produits de veille</h4>
<p>À la fin du processus du modèle de Choo (2002), théoriquement, l’utilisateur de la veille « adapte son comportement » avant que le veilleur et/ou l’animateur du projet de veille procède au recueil de nouveaux besoins informationnels ou à la redéfinition des précédents besoins. Le processus de veille se termine par la « création de sens, la production de connaissances ou la prise de décision » (Choo, 1999, p. 24, notre traduction).</p>
<h2>Méthodologie</h2>
<p><a name="_Hlk85810219"></a> La thèse (Anonymisé, 2020) à l’origine de cet article adopte un positionnement constructiviste et un devis exploratoire et descriptif. Suivant une approche qualitative, nous avons employé la méthode de l’étude de cas multiples (Yin, 2014) avec trois projets de veille (cas A, cas B, cas C). Pour la collecte et l’analyse des données, nous avons suivi les principes de la théorie ancrée (Glaser et Strauss, 2017). La sélection des cas s’est faite par choix raisonné à partir de notre connaissance des projets de veille dans le secteur public de la santé au Québec, soit ceux d’organisations membres de la Communauté de pratique des veilleurs en santé et services sociaux du Québec, et ce, jusqu’à saturation des données selon le principe de l’échantillonnage théorique (Guillemette et Luckerhoff, 2009).</p>
<p><a name="_Hlk83284072"></a> Vingt et un entretiens auprès de 5 veilleurs et de 16 managers (11 cadres supérieurs et 5 cadres intermédiaires) de deux organisations ont été menés et analysés entre juillet et décembre 2018. Nous avons également recueilli 18 documents pertinents (exemples de produits de veille, supports de présentation, procéduriers, etc.) qui nous ont servi à mettre en contexte les propos des répondants.</p>
<p>Pour l’analyse, nous avons procédé, en alternance avec la collecte de données, à un codage ouvert, axial et sélectif, jusqu’à saturation théorique. Notre échantillon a été ajusté à la population ciblée et disponible, suivant le principe de sensibilité théorique. Enfin, notons que des utilisateurs ont été interrogés sur plus d’un cas, rendant parfois difficile d’associer des propos au bon cas; ceci n’a toutefois pas eu d’impact sur les données portant sur les acteurs et les processus de veille.</p>
<h2>Résultats : Acteurs de trois projets de veille dans trois processus de veille</h2>
<h3>Profil des projets de veille étudiés</h3>
<p>Trois cas ont été étudiés : une veille scientifique, une veille médiatique et réputation dans les médias traditionnels, et une veille réputation dans les médias sociaux (Tableau 2).</p>
<p>Tableau 2. Profil des trois projets de veille étudiés (cas) et des répondants associés à chaque cas</p>
<p style="text-align: center;"><img height="483" src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212163908-3.png" width="605" /></p>
<p>Deux types d’acteurs ont été identifiés : les clients managers, parmi lesquels nous avons rencontré des cadres intermédiaires et supérieurs, et les veilleurs qui regroupent des veilleurs traqueurs et un veilleur pivot. Sous l’impulsion des bibliothèques spécialisées des organisations publiques de santé I et II, les trois projets de veille sont nés pour répondre à des besoins stratégiques de managers de la direction générale (cas A, B et C), de la direction de la performance (cas A) et de la direction des communications (cas B et C). Dans deux des trois cas, un autre acteur agit à titre d’intermédiaire entre les managers et les veilleurs traqueurs, que nous appellerons veilleur pivot pour le distinguer du rôle d’animateur du projet de veille présenté plus haut dans cet article. Inexistant dans le cas A, ce rôle lié au contexte de l’organisation II sera discuté ultérieurement.</p>
<h3>Veilleurs traqueurs, veilleur pivot, clients managers</h3>
<p>Dans le cas A (veille scientifique), le veilleur traqueur travaille à la bibliothèque de l’organisation I. Il possède plusieurs années d’expérience dans le secteur public de la santé au Québec. Il réalise le produit de veille à raison d’environ une journée de travail aux deux mois. Ce produit de veille est diffusé publiquement. Néanmoins, le veilleur traqueur considère que ses clients sont avant tout des managers de l’organisation I, en particulier de la direction générale et de la direction de la performance. C’est, en effet, auprès de ces directions qu’est né le projet de veille scientifique. Les huit clients interviewés sont tous des managers de l’organisation I ; ils relèvent de la direction générale de l’organisation, de la direction de la performance ou de la direction générale d’un service.</p>
<p>Le cas B (veille médiatique et réputation) fait intervenir deux types d’acteurs. Premièrement, les veilleurs sont membres de l’organisation II et se subdivisent en deux sous-groupes : (1) les veilleurs traqueurs et (2) le veilleur pivot. Le produit de veille est développé par les veilleurs traqueurs, sur une base volontaire pour « garder la motivation de l’équipe » et selon un calendrier de rotation. Au cours de l’entrevue avec le veilleur pivot, nous avons compris que ce professionnel, qui relève d’une autre unité administrative que la bibliothèque, est un acteur distinct des veilleurs traqueurs : il ajuste le produit de veille en fonction de sa compréhension des besoins des clients, valide le contenu et gère la diffusion du produit de veille à l’ensemble des clients managers. En cela, il agit comme intermédiaire entre les veilleurs traqueurs et les clients managers. Proche du rôle d’animateur du projet de veille, le veilleur pivot ne réalise ni la collecte, ni le traitement de l’information. Deuxièmement, les clients de la veille sont des cadres intermédiaires et supérieurs des organisations I et II. Les principaux clients sont des cadres supérieurs de la direction générale et de la direction des communications. Quatre des cinq cadres supérieurs rencontrés exercent leur fonction dans ces deux unités administratives. Ils disent utiliser le produit de veille directement dans leur travail et le lisent tous les jours.</p>
<p>Les acteurs du cas C (veille réputation sur les médias sociaux) sont des veilleurs traqueurs, un veilleur pivot (même acteur que dans le cas B) et des managers de l’organisation II. Les veilleurs traqueurs sont des bibliothécaires qui réalisent le produit de veille selon un calendrier de rotation. Le veilleur pivot valide et diffuse le produit de veille à une diversité de clients. Selon les veilleurs traqueurs et le veilleur pivot, les clients directs sont des managers de la direction des communications et de la direction générale de l’organisation II.</p>
<h3>Processus de veille des trois cas à l’étude</h3>
<p>Les trois cas étudiés mettent en œuvre trois processus aux étapes tantôt semblables, tantôt distinctes, avec des interactions variables entre les acteurs, en partie liées à la présence ou à l’absence du veilleur pivot.</p>
<h4>Évaluation ou évaluation / réévaluation des besoins</h4>
<p>Les clients managers énoncent leurs besoins informationnels au veilleur traqueur dans le cas A, et au veilleur pivot dans les cas B et C. La rétroaction est très fréquente dans la veille médiatique, du fait d’ajustements hebdomadaires, voire quotidiens, entre les acteurs. Elle est peu fréquente dans le cas C. La première étape se nomme « évaluation des besoins » dans le processus de veille du cas A et « évaluation / réévaluation des besoins » dans les cas B et C.</p>
<p>Dans le cas A (Figure 2), l’évaluation des besoins informationnels a eu lieu au démarrage du projet. La rétroaction entre le veilleur traqueur et les clients s’avère très rare. Dans le cas B (Figure 3), le veilleur pivot joue un rôle d’intermédiaire entre les clients qui expriment leurs besoins informationnels et les veilleurs traqueurs qui développent le produit de veille. Dès la première étape d’évaluation des besoins, les trois processus de veille se différencient donc.</p>
<p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212164048-4.png" style="width: 100%; height: 51%;" /></p>
<p><a name="_Ref8645074"></a><a name="_Toc10711588"></a><a name="_Toc42434124"></a> Figure 2. Processus de veille du cas A (veille scientifique)</p>
<h4>Identification des sources d’information</h4>
<p>L’identification des sources d’information, dans le cas A, consiste à élaborer des stratégies de recherche « solides » dans différentes bases de données bibliographiques de la bibliothèque. Cette étape peut faire l’objet d’ajustements ponctuels, notamment techniques. Néanmoins, il n’y a pas de rétroaction des clients.</p>
<p>Dans le cas B, la rétroaction existe entre le veilleur pivot et les veilleurs traqueurs. Par exemple, le veilleur pivot peut demander aux veilleurs traqueurs d’ajouter une source d’information à surveiller à la suite d’une demande de la direction générale.</p>
<p>Dans le cas C (Figure 4), nous fusionnons l’identification des sources d’information avec la première étape. En effet, le cas C est une veille réputation sur les médias sociaux : ces plateformes ont été choisies au démarrage du projet comme sources d’information (LinkedIn, Facebook et Twitter). Dans le processus de veille du cas C, l’identification des sources d’information n’apparaît donc pas.</p>
<p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212164208-5.png" style="width: 100%; height: 56%;" /></p>
<p><a name="_Ref529099915"></a><a name="_Toc10711590"></a><a name="_Toc42434126"></a> Figure 3. Processus de veille du cas B (veille médiatique et réputation)</p>
<h4>Collecte de l’information</h4>
<p>Dans le cas A, quelques publications scientifiques ou gouvernementales doivent être surveillées manuellement : le veilleur traqueur se rend sur les sites web institutionnels qui ne proposent pas d’envoi automatisé de l’information. Pour le reste des sources d’information, la collecte est automatisée avec des alertes reçues par courriel ou avec des flux RSS.</p>
<p>Dans le cas B, les veilleurs traqueurs surveillent l’actualité dans les médias traditionnels (presse, radio, télévision) à partir de technologies semblables comme des agrégateurs de flux RSS, les alertes par messagerie électronique ou encore un logiciel de surveillance de pages web. Même si l’étape de collecte d’information est automatisée en grande partie, elle requiert aussi des actions manuelles, par exemple, pour des émissions de radio ne pouvant être mises sous surveillance automatique. Dans le cas C, la collecte de l’information est entièrement automatisée grâce à un logiciel de surveillance des médias sociaux.</p>
<p>Dans les trois cas, cette étape est réalisée exclusivement par les veilleurs traqueurs qui effectuent un premier tri de l’information pour répondre aux besoins des managers clients. On ne note, à cette étape, aucune interaction entre les acteurs.</p>
<h4>Traitement de l’information (sélection et indexation)</h4>
<p>Le traitement de l’information consiste, dans les trois cas étudiés, à sélectionner plus précisément l’information à partir de critères de qualité de l’information (actualité et pertinence, voire crédibilité), ce que nous nommons « sélection ». Il s’agit ensuite de classer l’information sélectionnée dans de grandes catégories, ce que nous appelons « indexation ».</p>
<p>Dans le cas A, cette étape implique un « <em>filtre bibliothécaire</em> », tel que le mentionne le veilleur traqueur pour distinguer cette veille scientifique d’une diffusion sélective d’information ou d’une simple alerte automatisée. Bien qu’importante, cette étape se distingue de l’analyse. Par exemple, un cadre supérieur explique qu’il serait intéressant de classer les articles scientifiques selon la crédibilité. Il précise qu’actuellement, tous les articles semblent de même qualité, mais qu’il préférerait savoir, par exemple, « <em>qui a validé l’étude ?</em> ». </p>
<p>Dans le cas B, les veilleurs traqueurs sélectionnent les articles de presse, émissions de radio et de télévision selon les principes d’une «<em> charte éditoriale</em> » co-créée avec le veilleur pivot au démarrage du projet. Réévaluée ponctuellement, la charte éditoriale définit les cinq grandes catégories du produit de veille. Malgré l’existence de ce document, l’étape de traitement de l’information est présentée, par les veilleurs traqueurs, comme une tâche « <em>subjective</em> » : des choix peuvent être opérés différemment d’un veilleur traqueur à l’autre dans le classement des articles. D’ailleurs, le veilleur pivot peut être amené à réorganiser le contenu avant la diffusion aux managers pour mettre « <em>à la Une</em> » certains articles.</p>
<p>Dans le cas C, le traitement de l’information consiste à classer dans un logiciel de gestion des données bibliographiques, d’une part, les commentaires et mentions d’internautes à propos de l’organisation II et, d’autre part, les publications de l’organisation II. Il n’y a pas non plus, dans ce projet de veille, d’analyse de l’information, mais bien une manipulation technique d’indexation. Dans les trois processus de veille étudiés, le traitement de l’information est réalisé uniquement par les veilleurs traqueurs qui relèvent de la bibliothèque.</p>
<p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_18_image-20221212164402-6.png" style="width: 100%; height: 60%;" /></p>
<p><a name="_Ref530055865"></a><a name="_Toc10711592"></a><a name="_Toc42434128"></a> Figure 4. Processus de veille du cas C (veille réputation)</p>
<h4>Diffusion du produit de veille au veilleur pivot</h4>
<p>La diffusion du produit de veille au veilleur pivot n’existe pas dans le cas A, étant donné l’absence d’un veilleur pivot. Dans les cas B et C, cette première diffusion est effectuée chaque matin par les veilleurs traqueurs, qui réalisent alors leur dernière étape. Elle fait l’objet d’allers-retours réguliers avec le veilleur pivot qui leur demande, si nécessaire, des ajustements, par exemple dans la mise en page des articles et des émissions. Le veilleur pivot explique : <q>on [la direction des communications] a le portrait terrain, c'est nous qui travaillons avec les journalistes, alors on fait une révision avant d’envoyer [le produit de veille médiatique].</q></p>
<h4>Diffusion du produit de veille aux managers</h4>
<p>La diffusion de l’information aux managers constitue la dernière étape réalisée par le veilleur traqueur du cas A. Elle consiste à envoyer un courriel à une liste de diffusion (managers abonnés au produit de veille) contenant les notices bibliographiques des articles scientifiques sélectionnés et indexés en grandes thématiques. Il ajoute également ces notices dans un gestionnaire de références bibliographiques. Le veilleur traqueur du cas A transmet le produit de veille directement aux managers. Dans les cas B et C, c’est le veilleur pivot qui diffuse les produits de veille aux managers, en raison de sa proximité avec les managers du fait de ses fonctions et de sa position dans l’organisation.</p>
<h4>Utilisation de l’information</h4>
<p>L’utilisation de l’information apparaît comme une étape en soi dans les trois processus de veille. Néanmoins, comme elle se décline en différents degrés d’utilisation, nous choisissons de la nommer « utilisation potentielle de l’information ». Un processus de veille peut, en effet, exister même si son produit n’est pas utilisé par tous les clients.</p>
<h2>Discussion : Sur les rôles des veilleurs dans un processus de veille stratégique</h2>
<h3>Sur le rôle du veilleur traqueur</h3>
<p>Dans les deux organisations, les veilleurs traqueurs sont des bibliothécaires formés en gestion de l’information, en recherche documentaire et en indexation. Ces compétences en bibliothéconomie teinteraient les produits de veille tels qu’ils étaient réalisés au moment de l’étude par les veilleurs traqueurs. Dans les trois processus de veille étudiés, l’étape d’analyse de l’information, telle que décrite dans le modèle théorique, n’apparaît pas. La sélection et l’indexation de l’information collectée est en revanche présente dans l’étape de traitement de l’information. Celle-ci pourrait s’intégrer à l’étape d’organisation de l’information dans le modèle théorique qui recouvre en plus une logique de conservation que l’on retrouve avec l’utilisation d’un gestionnaire de référence bibliographique dans le cas A par exemple.</p>
<p>La notion d’analyse apparaît, encore une fois, vague et difficile à délimiter. Knauf (2007) définit : « analyser, c’est mettre en parallèle, comparer, déduire, se faire une idée et aboutir à des conclusions » (p. 197). Deschamps et Moinet (2017) expliquent ce que signifie « analyse » en distinguant le traitement (formalisation, recoupement, synthèse) et l’exploitation (appréciation, interprétation et extrapolation) de l’information. La formalisation consiste en une indexation de l’information. Le recoupement avec des données multiples et concordantes permet de vérifier la véracité et la qualité de l’information. La synthèse correspond à la production d’un résumé ou d’une condensation de plusieurs informations, donnant une vision homogène. L’appréciation consiste à contextualiser l’information par rapport au savoir acquis. L’interprétation permet de créer des liens entre les informations obtenues produisant ainsi une compréhension nouvelle de l’environnement. L’extrapolation propose des scénarios plausibles (adapté de Deschamps et Moinet, 2017).</p>
<p>Au regard de cette typologie, les trois cas étudiés présentent un premier niveau de traitement (formalisation), mais aucune exploitation de l’information (appréciation, interprétation, extrapolation). Pour aller plus loin dans une veille scientifique comme le cas A, le veilleur traqueur pourrait, en plus du traitement de l’information (indexation, catégorisation), recouper et classer les articles scientifiques selon la qualité de l’information (recoupement), ou encore produire des résumés (synthèse). Dans une veille médiatique comme le cas B, il pourrait être pertinent de conduire une analyse des tendances médiatiques à une fréquence annuelle (appréciation) afin de donner plus de sens et une vision globale de l’ensemble des documents provenant des médias traditionnels. Dans une veille réputation, comme le cas B – volet réputation et le cas C, le veilleur traqueur pourrait mesurer le poids de l’information obtenue sur les médias sociaux au cours d’un mois ou d’une année (interprétation). Ces formes d’exploitation de l’information permettraient de créer un sens supplémentaire à l’information collectée et traitée. Cela dit, il est important de garder à l’esprit que ces exemples d’exploitation de l’information sont très chronophages. Si certains managers ont déploré un « <em>manque d’interprétation</em> » de l’information qui se retrouve dans les produits de veille, les veilleurs traqueurs et le veilleur pivot reconnaissaient, pour leur part, « <em>manquer de temps pour faire l’analyse</em> », et parfois même manquer d’expertise sur le contenu.</p>
<h3>Sur le rôle du veilleur pivot</h3>
<p>En se positionnant entre les veilleurs traqueurs et les principaux clients, le veilleur pivot joue un rôle d’intermédiaire, qui apparaît à première vue comme une étape supplémentaire. En effet, les veilleurs traqueurs traduisent en axes de veille les besoins d’information tels que compris par le veilleur pivot qui les a lui-même traduits des managers. En examinant le cas A où il n’y a pas de veilleur pivot, nous constatons que la relation entre le veilleur traqueur et les managers demeure rare. La rétroaction étant très peu fréquente, la réévaluation des besoins est inexistante. L’absence du veilleur pivot ne garantit donc pas une interaction fréquente entre les veilleurs traqueurs et les managers. En rencontrant les managers, le veilleur pivot allège cependant la charge de travail des veilleurs traqueurs qui ont d’autres tâches à réaliser à la bibliothèque que l’activité de veille.</p>
<p>Le veilleur pivot présente des similitudes avec le coordinateur-animateur (Knauf, 2007) sur certaines tâches comme le contrôle et la coordination. En effet, le veilleur pivot valide le produit de veille des cas B et C (contrôleur). Il réceptionne les besoins exprimés par la direction générale et la direction des communications et diffuse le produit de veille aux managers. Il joue en cela un rôle de liaison et de relais entre les acteurs (coordinateur). Le veilleur pivot joue un rôle important dans les cas B et C par son lien privilégié avec la direction générale et la direction des communications. Il permet d’assurer une fréquence régulière d’interactions entre les différents acteurs du processus de veille (animateur). Ainsi, le veilleur pivot « anime » le processus de veille et correspond à l’un des rôles de l’animateur du projet de veille. Même s’il ne réalise pas d’analyse de l’information dans le processus de veille (synthétiseur), il réorganise parfois le contenu du produit de veille en mettant en évidence l’information qu’il juge la plus pertinente pour les clients managers. Enfin, il joue un rôle proche du « champion » (Fleisher, 2004) dans la mesure où il contribue à planifier et contrôler les efforts de l’organisation en matière de veille. Par les fréquentes interactions avec eux, le veilleur pivot aurait aussi une certaine capacité à sensibiliser les managers à l’effort de veille médiatique et réputation. Pour s’assurer que le produit de veille réponde aux besoins des managers, nous faisons le parallèle avec le modèle des bibliothécaires intégrés pour proposer d’intégrer le veilleur aux comités de direction, afin d’être au plus près des besoins des managers.</p>
<h3>Sur le rôle du veilleur intégré </h3>
<p>La littérature a mis en évidence le rôle des bibliothécaires intégrés (<em>embedded librarians</em>) dans le secteur public de la santé. Ces bibliothécaires sont intégrés dans les équipes cliniques pour effectuer des recherches documentaires en lien avec les questions cliniques formulées par les médecins et les professionnels de la santé. Ils répondent ainsi aux besoins informationnels en temps réel, assurant une plus grande réactivité dans les soins et services offerts aux patients. Ce modèle, qui tend à faire ses preuves dans les équipes cliniques (Ma et al., 2018), s’applique aussi dans différents secteurs et types d’organisations (Shumaker et Talley, 2009) : leurs tâches consistent, par exemple, à rechercher des données probantes, à les synthétiser, à concevoir des affiches, à apporter du soutien dans la publication de résultats dans l’animation de « Journal Clubs » ou d’un « Knowledge Cafe ». Un « veilleur intégré » pourrait jouer un rôle hautement stratégique en ayant accès directement et en temps réel aux questions des managers. La proximité avec les managers donnerait l’occasion au veilleur intégré de répondre presque en temps réel aux clients managers. Un veilleur intégré aux comités de direction pourrait aussi conduire une analyse poussée de l’information, étape majeure pour une utilisation optimale du produit de veille par les managers.</p>
<p>En plus des interactions fréquentes entre les managers et un veilleur pivot (animateur du projet de veille), le veilleur intégré aurait pour rôle d’animer des rencontres d’échanges, à une fréquence régulière, avec les managers précisément sur leurs questionnements stratégiques. En effet, le réseau d’intelligence humaine serait sollicité dans ces rencontres. Les sources humaines, internes ou externes, sont absentes des trois projets de veille étudiés. Considérées comme riches aux yeux des managers rencontrés, elles apportent pourtant des enseignements tirés de l’expérience (bonnes pratiques, essais, erreurs, leçons apprises) ainsi que des éléments de contexte. Un cadre supérieur de la direction de la performance parle de ces sources comme de « <em>littérature expérientielle</em> » ; un cadre supérieur de la direction générale d’un service déplore : « <em>on ne va pas chercher suffisamment le terrain</em> ». Mesguich (2021) mentionne l’importance d’identifier des sources qui proviennent d’experts, des « remontées d’information terrain » ou « bruits de couloir » (p. 117). Or, cette information provenant de « sources humaines » est difficile à collecter de manière systématique. Le veilleur intégré aux équipes de management pourrait s’appuyer davantage sur les « veilleurs potentiels » (Guechtouli, 2013) que sont les managers. Ces derniers effectuent leur « propre veille » qu’ils conservent en mémoire et pourraient partager aux autres managers.</p>
<p>En animant un atelier tourné vers l’intelligence collective, le veilleur donnerait l’occasion de « développer la compétence collective en entretenant une culture du partage » (Dupin, 2017, p. 56). Il favoriserait l’exploitation du produit de veille stratégique pour créer de la « connaissance d’action » (Bergeron et Hiller, 2002). En animant le projet de veille autour de rencontres de communautés ou de réseaux basé sur la gestion des connaissances (Dalkir, 2017), le veilleur intégré pourrait faire émerger des informations utiles aux managers et faire circuler les connaissances tacites des managers au sein de l’organisation. Traqueur de sources documentaires et humaines, médiateur entre les acteurs du processus de veille, il cumulerait les casquettes du veilleur traqueur, du veilleur pivot et de l’animateur du projet de veille. Par sa proximité avec la direction générale, il aurait la capacité d’influencer et de favoriser une culture de veille auprès des clients managers.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Cet article a permis d’identifier qui sont les acteurs impliqués dans un processus de veille, et quelles sont leurs actions. Il a précisé les rôles des « veilleurs » à travers les résultats d’une thèse en sciences de l’information. Les acteurs de la veille et un modèle théorique du processus de veille ont été décrits et chaque étape a été détaillée selon les interactions des veilleurs et des clients de la veille. Par le biais d’une étude de cas multiples, les résultats ont conduit à discuter des rôles des veilleurs traqueur, pivot et intégré.</p>
<p>Les veilleurs traqueurs ont, dans notre étude, une forte connotation bibliothéconomique liée à des tâches de recherche documentaire, de sélection bibliographique et d’indexation, voire de conservation de l’information. Ces tâches, tirées de méthodes en sciences de l’information et parfois très techniques, sont la garantie de la fiabilité de l’information. Dans deux des trois cas, les veilleurs traqueurs collaborent avec le veilleur pivot de la direction des communications qui, par son positionnement dans l’organisation et sa connaissance fine des enjeux, est en mesure de traduire les besoins des managers aux veilleurs traqueurs qui les traduisent à leur tour dans les outils de collecte de l’information. Les veilleurs traqueurs ou le veilleur pivot gagneraient à pouvoir dédier du temps à l’exploitation de l’information afin de proposer un produit de veille à valeur ajoutée. Par sa proximité avec la direction générale, un veilleur intégré aux équipes de management serait en mesure de suivre les enjeux stratégiques des managers, d’offrir un produit de veille basée sur une analyse poussée de l’information, de faire circuler les connaissances tacites entre les managers et de favoriser une culture de veille et d’intelligence collective dans l’organisation.</p>
<p>Pour finir, des études complémentaires seraient utiles afin de valider l'applicabilité de la typologie des acteurs et du modèle théorique du processus de veille dans d'autres milieux ainsi que pour y évaluer le potentiel d'un veilleur intégré.</p>
<h2>Références</h2>
<p>Afnor (Association française de normalisation). (1998). <em>XP X50-053 Avril 1998 : Prestations de veille – Prestations de veille et prestations de mise en place d’un système de veille.</em> Afnor.</p>
<p>Afolabi, B. (2007). <em>La conception et l’adaptation de la structure d’un système d’intelligence économique par l’observation des comportements de l’utilisateur</em> [Thèse de doctorat, Université Nancy 2].</p>
<p>Bergeron, P. (2000). <em>Veille stratégique et PME : Comparaison des politiques gouvernementales de soutien</em> (2è éd.). Les Presses de l’Université du Québec.</p>
<p>Bergeron, P. et Hiller, C. A. (2002). Competitive intelligence. <em>Annual Review of Information Science and Technology</em>, 36(1), 353‑390.</p>
<p>Bouthillier, F. et Shearer, K. (2003). <em>Assessing competitive intelligence software : A guide to evaluating CI technology</em>. Information Today.</p>
<p>Bulinge, F. (2013). <em>Intelligence économique : L’information au cœur de l’entreprise</em>. Nuvis.</p>
<p>Choo, C. W. (1999). The art of scanning the environment. <em>Bulletin of the American Society for Information Science and Technology</em>, 25(3), 21‑24.</p>
<p>Choo, C. W. (2002). <em>Information management for the intelligent organization : The art of scanning the environment</em> (3è éd.). Information Today.</p>
<p>Dalkir, K. (2017). <em>Knowledge Management in Theory and Practice</em> (3è éd.). The MIT Press.</p>
<p>Deschamps, C. et Moinet, N. (2017). <em>La boîte à outils de l’intelligence économique</em> (2è éd.). Dunod.</p>
<p>Dumas, L. (2005). <em>Élaboration d’un prototype de veille marketing en hôtellerie</em> [Thèse de doctorat, Université du Québec à Trois-Rivières].</p>
<p>Dupin, C. (2017). KM & économie de la connaissance : Insuffler et cultiver l’art d’interpréter. <em>I2D Information, données documents</em>, 54(2), 56‑57.</p>
<p>Fleisher, C. S. (2004). Competitive intelligence education : Competencies, sources, and trends. <em>The Information Management Journal</em>, 38(2), 56‑62.</p>
<p>Glaser, B. G. et Strauss, A. L. (2017). <em>La découverte de la théorie ancrée : Stratégies pour la recherche qualitative</em> (2è ed.). Armand Colin.</p>
<p>Guechtouli, M. (2013). <em>Veille stratégique et motivation : Comment inciter les acteurs en entreprise à « faire de la veille »?</em> Éditions Universitaires Européennes.</p>
<p>Guillemette, F. et Luckerhoff, J. (2009). L’induction en méthodologie de la théorisation enracinée (MTE). <em>Recherches Qualitatives</em>, 28(2), 4‑21.</p>
<p>Knauf, A. (2007). <em>Caractérisation des rôles du coordinateur-animateur : Émergence d’un acteur nécessaire à la mise en pratique d’un dispositif régional d’intelligence économique</em> [Thèse de doctorat, Université Nancy 2].</p>
<p>Knauf, A. et Goria, S. (2009). L’intelligence économique au service des dispositifs territoriaux d’appui aux entreprises : L’implication d’un nouvel acteur dédié à la coordination. <em>Revue internationale d’intelligence économique</em>, 1(2), 305‑317.</p>
<p>Lesca, H. et Lesca, N. (2011). <em>Weak signals for strategic intelligence : Anticipation tool for managers</em>. John Wiley & Sons Inc.</p>
<p>Ma, J., Stahl, L. et Knotts, E. (2018). Emerging roles of health information professionals for library and information science curriculum development : A scoping review. <em>Journal of the Medical Library Association</em>, 106(4), 432‑444.</p>
<p>Mesguich, V. (2021). <em>Rechercher l’information stratégique sur le web : Sourcing, veille et analyse à l’heure de la révolution numérique</em>. De Boeck Supérieur.</p>
<p>Mintzberg, H. (1973). <em>The nature of managerial work</em>. Harper and Row.</p>
<p>Yin, R. K. (2014). <em>Case study research : Design and methods</em> (5è éd.). Sage.</p>
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